Ils traînent devant les vitrines des magasins dans les rues marchandes ou sur les sites Internet. La salive monte dans la bouche fermée et leurs yeux sont rivés sur l'objet de leur convoitise. Prêts à sortir la carte bleue, le petit rectangle magique qui les enchaîne à chaque instant à leur esclavage inconscient, la concupiscence les rend fous. Ils le veulent, ils la veulent, ils veulent la même chose que ce qu'ils ont vu à la télé, ils veulent mieux que le voisin ou le copain. Ils ont envie, ils désirent, ils ne savent pas s'ils ont l'argent, mais le désir est là.

Les panneaux sur les murs des villes, les publicités sur la toile, les petits films publicitaires, chaque détail est bien étudié pour donner envie. Envie d'être l'esclave. Esclave de la société de consommation.

Il faut consommer et posséder pour être mieux, le meilleur, le plus beau et le plus fort. Travailler toujours plus à se tuer, s'endetter auprès des organismes de crédit qui leur font signer des pactes avec le diable, ou voler l'honnête ou le malhonnête. Qu'est-ce que ça peut faire ? Et puis, qui est qui dans cette folle poursuite en avant qui n'a plus de fin et a toujours encore plus faim ?

Société de consommation, veau d'or voué à l'insatisfaction la plus totale, les mirages dansent autour d'eux et les caressent de leurs voiles aériens et séduisants. A chaque nouveau désir, leur satisfaction se réduit comme une peau de chagrin. Le désir assouvi entraîne vers le suivant comme l'esclave que son maître tire par le bras pour obtenir de lui jusqu'à la dernière goutte de sa liberté enchaînée.

Les poches à peine vidées et les bras remplis, il faut recommencer. L'insatisfaction brûle les doigts et les esprits et le vertige du vide devient chaque jour plus violent.

C'est ainsi, quelles que soient les civilisations et les siècles, il y a les meneurs et les menés. Mais la liberté n'existe que si on le souhaite et si on est assez fort pour résister. La liberté d'être soi-même a un coût, celui de savoir s'affirmer. C'est le prix à payer. Il est plus élevé que tous les colifichets en verroterie ou les bijoux en or ou quoi que ce soit d'autre. La richesse, la vraie, est au fond de soi : je suis moi, je suis ce que je suis et peu importe ce que tu en penses. Je n'ai pas envie d'être à la mode, je n'ai pas envie de posséder les mêmes choses que toi. En clair, je n'ai pas envie de te ressembler. Mon bonheur, c'est de choisir. Et je choisis de ne pas être esclave.

©Françoise LATOUR

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