Le cycle des vies

À chaque fin d’année scolaire, c’était le même rituel. On rangeait les cartables pesants dans un coin, ivre de liberté. On oubliait les devoirs et les aiguilles de la pendule qui frémissaient à chaque minute pour ne penser qu’à jouer sous le soleil qui jetait ses rayons dans le reflet des tignasses.

Le bruit de l’eau glacée qui sautait sous l’impulsion du courant les attirait. Ils s’asseyaient au bord avec précaution et mangeaient le goûter en trempant leurs pieds nus dans le ruisseau qu’ils ressortaient vite en poussant de petits cris et des rires étouffés par les bouchées. Les cheveux tombaient dans les yeux. La vie courait en eux, pleine de promesse et d’impatience. Ils jetaient les mains en avant, près à empoigner leur avenir.

Puis l’été s’éteignait. Les enfants cueillaient les derniers bouquets de fleurs sauvages aux multiples couleurs et aux tiges trop longues ou trop courtes et qui blessaient parfois les doigts. Ils les tendaient avec fierté aux adultes qui cherchaient le vase qui pourrait contenir l’encombrant cadeau et pourtant si touchant. Les nuits devenaient moins brûlantes et le sommeil revenait doucement. Les courses dans les herbes hautes piquaient encore les jambes nues qu’elles zébraient de marques rouges.

Les années s’écoulaient au rythme des saisons et des bougies soufflées chaque année sur les gâteaux d’anniversaire. Les parfums de l’été se dissipaient au fur et à mesure que les centimètres les faisaient prendre de la hauteur. Les fleurs des champs formaient des tapis mouchetés et finissaient par se faner de solitude à chaque fin de saison. L’eau sauvage ne chantait plus assez fort pour être entendue.

Les cœurs battaient pour d’autres horizons, d’autres désirs et d’autres histoires à écrire. Les souvenirs de vacances se réinventaient sous d’autres cieux, avec d’autres couleurs et d’autres voix. La vie coulait en eux avec ses chagrins et ses espoirs.

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