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Venir te voir dans ta chambre, les yeux qui s’ouvrent sur le vide, est un moment doux et terrible à la fois. Je te retrouve dans ton visage, tes joues douces que j’embrasse vite, tes traits, mais il me semble ne plus savoir qui tu es. Je ne peux plus te parler, t’écouter me raconter toutes les histoires que je connais déjà, mais que j’ai fini par oublier avec le temps. On ne parle plus de la famille, de toutes ces personnes qui ont peuplées ta vie et donc la mienne. On ne peut plus parler de films ou de livres. Ton regard pétillant qui s’attardait sur moi reste au fond de ma mémoire. Je retrouve tes expressions, tes attitudes dans ton petit-fils et je me console avec ce qui me reste de Toi.

 

La vie s’écoule et glisse dorénavant sur tes journées qui se ressemblent toutes. Lorsque la porte s’ouvre sur ta chambre et ton lit, c’est notre maison que je vois. Lorsque je fouille dans ton regard pour traquer la moindre petite lumière, c’est toi que je cherche. Je ne peux pas te prendre la main ou te caresser la joue car quelque chose en toi refuse tout contact. Peut-être l’inquiétude de ne pas savoir ce qui se passe puisque tu as tout oublié, jusqu’à nous, jusqu’à Toi. Tous nos petits moments que je t’ai volés les derniers mois avant de m’éloigner et de déchirer mes racines pour ce qui était encore l’inconnu sont gravés en moi. J’entends encore le son de ta voix et de tes éclats de rire mutins. Je remonte encore  plus loin et c’est ta tête penchée sur un livre, des mots croisés, un crayonnage distrait ou un ouvrage. Tu t’envolais très loin de la réalité, perdue dans ton monde imaginaire qui n’avait alors rien de terrifiant.

 

Je caressais souvent certains objets qui t’avaient appartenu et par cette sensation tactile, il me semblait sentir ce parfum de chèvrefeuille qui caractérisait l’âme sauvageonne de ton enfance sommeillant en Toi. Désormais, ils ne sont plus qu’un souvenir tout comme Toi puisqu’ils m’ont été dérobés. Il ne me reste plus que l’espoir à chacune de mes visites, de saisir au vol tes yeux soudain éveillés s’accrochant aux miens, ce regard complice et tendre que nous avons si souvent échangé, lorsque je t’embrasse et que je te souffle à l’oreille : « Je t’aime, Maman. » Et il me semble alors que tu sais, et que tu me le dis…

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